Peu de temps auparavant, Romanzo Criminale avait été arrêté et écroué pour avoir commis successivement trois meurtres qu'il avait avoué. Selon lui, il s'agissait d'un acte de justice pour répréhender des êtres immoraux. Lors d'un proccès dont le jugement était tombé rapidement, il avait déclamé : "Vous trouverez toutes les preuves de mes dires dans ma bibliothèque, c'est là qu'ils sont... C'est là qu'ils sont..." Et en pleurant, il avait achevé sa phrase car il s'étouffait entre ses larmes. La-dite bibliothèque avait été fouillée, et rien n'avait été découvert. Des livres, simplement des livres. La plupart des livres philosophiques, traîtant de la morale et autre sujet d'éthique. On l'avait donc condamné, sans manquer trop de preuves incriminantes, et en le jugeant de fou accompli.
Calme plat dans le quartier résidentiel. Pas une seule feuille morte n'ose lever le ton. Les branches dénudées montrent impoliment le ciel, qui rougit d'étoiles. Une nuit automnale plutôt agréable. Novembre savait se rendre aimable visiblement. Puis, la platitude et la sérénité de la scène se dépravent soudainement : une voiture circule rapidement, écrasant ci et là les cadavres de la végétation en déliquessence. Tout cela s'arrête, les phares rougeoient de honte devant l'excès de vitesse, et finalement le véhicule stationne devant un pavillon comme les autres. Fenêtres aux rideaus noircis par la nuit, petite cloture accompagnée d'une rangée de buissons. Rien de bien particulier, pourquoi s'arrêter là plus que devant une autre maison ? Visiblement, le conducteur sait, lui : la porte s'ouvre et se claque. Le type porte un long imperméable, col relevé sur des joues rasées de près. Il se dirige vers le portillon et l'ouvre comme s'il connaissait le chemin. Il sonne.
Des lumières illuminent une pièce à l'étage, puis quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre discrètement. L'homme intercale son pieds, et le propriétaire ne peut donc plus fermer ses pénates à l'incongru.
- Bonsoir monsieur Anderson.
- Qui êtes vous ? questionne violemment l'affolé, saisissant un parapluie dans l'entrée pour pointer de la pique le torse de l'intrus.
- Je viens vous rendre visite pour vous faire une révélation à propos de la société Hoverlord & Co, je suppose que cela vous intéresse...
Le visage de l'homme s'assombrit un instant, et il fronce les sourcils. Qui pourrait bien venir lui parler de sa rivalité avec Hoverlord à 2h du matin un jeudi soir ? Peu importe. Cela semble important, et dans la situation dans laquelle il est, des informations sur la concurrence pourraient être utile. N'est ce pas ?
- Je vous préviens, ma femme est flic, si elle entend le moindre bruit suspect, elle n'hésitera pas à descendre... On va en parler, mais, pas de mauvais tours, hein ?
- Je ne suis pas là pour vous faire du mal, monsieur Anderson, je vous ai dit que j'avais des informations à vous faire parvenir.
"Hey ! Andersen ! Calme toi !" Cria un garde dans le couloir. Ces mots extirpèrent Romanzo de son sommeil, le tirant de ses souvenirs.
"Tout cela était si vrai..." Murmura t'il pour lui-même. Soudain, cette histoire lui revint à l'esprit. Monsieur Anderson était le premier homme qu'il avait visité. "Salopard de Anderson..." A cet instant précis, le garde frappa de sa mattraque sur les barreaux. "He Criminale, pas la peine de l'insulté parcequ'il a des crampes la nuit Andersen, et que ça le réveille..." Romanzo répondit d'un seul regard. Dans la nuit du cachot, son oeil bleuté était assassin. Il n'y avait aucune lumière si ce n'est que la pauvre veilleuse qui faiblissait au fond du couloir. Le garde continua son chemin, et le rêveur murmura à nouveau : " Pas ce Andersen... Lui aussi est un salop, mais pas comme Anderson. Les gardes ne savent pas prononcer un nom correctement... Nous sommes tout juste des numéros pour vous. " Puis il revint à ses pensées. Cette nuit, il avait rêvé du premier homme qu'il avait tué. Et ce moment là, l'excitant d'une drôle de façon. Il avait envie d'écrire, sa main tremblait dûrement. Il ne faisait pas assez jour pour pouvoir aligner quelques mots, mais peu lui importait, il saisit le bic qu'il avait réussi à chaparder, et extirpa de sous son matela, la liasse de feuilles sur lesquelles il avait commencé à griffoner des bribes de phrases.